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Douce Boston

Le 23/01/2015 | Article n°22 | 2 commentaires | Laisser un commentaire

Me voilà de retour...


De retour sur la toile, et de retour de l'Est américain, plus précisément de Boston. Oui, après New-York je suis une petite chanceuse d'avoir eu l'opportunité de partir à la découverte de la capitale du Massachussetts, pour 10 jours et au bras de Nicholas. Pour vous expliquer un peu le contexte de ce séjour, Nicholas malgré son grand âge (roooh) est étudiant et suit un programme MFA (Master of Fine Arts) qu'il effectue à distance avec une Université de Boston. Cela lui permet de continuer de vivre à Oklahoma City (plus par soucis d'économie que par amour pour sa ville natale) et de continuer à donner des cours de dessin et peinture à l'Université en Oklahoma. Il doit envoyer régulièrement l'avancement de ses travaux personnels, ainsi que ses recherches littéraires, tenir un blog et se rendre à Boston deux fois dans l'année, une fois en hiver, une fois en été. Voilà vous savez tout.


Depuis Oklahoma City il faut une bonne journée de voyage en avion pour se rendre à Boston. Une petite heure de vol jusqu'à Dallas (Texas) puis trois bonnes heures jusqu'à Boston. Lors du premier vol j'ai eu la chance d'avoir un voisin de sièges pratiquant la ronflette de haute voltige, celle qui vous laisse imaginer de manière très réaliste toute la dynamique de glaires et morve dans ses canaux nasaux... moi qui suis très sensible aux bruits de bouche etc, ma patience a été mise à rude épreuve. Mais bref, nous sommes arrivés finalement sans encombre et la neige nous a accueilli pour notre première nuit en Nouvelle Angleterre. Quand je disais avoir été à Boston au bras de Nicholas ce n'est qu'à moitié vrai car sa résidence universitaire étant très intensive (cours de 9h à 20h et ce 10 jours sur 10) j'ai d'abord arpenté la ville seule avec mon guide touristique, mon petit appareil photo, mes gants doublés, mon écharpe en laine, mes après-ski, mes deux paires de collants et trois de chaussettes. Il fallait au moins ça pour affronter les températures négatives et la petite tempête de neige du premier jour.


Je me suis très vite sentie bien dans cette ville malgré l'inconnu et la solitude. Boston est à taille humaine, j'étais surprise de parcourir aussi rapidement des distances qui, sur la carte, me paraissaient pourtant bien grandes. Mais surtout je lui ai trouvé un charme que New-York n'a pas su me dévoiler en nous ayant accueilli cinq jours sur Manhattan. New-York est impressionnante, puissante, terriblement élancée quand Boston est mignonette, surprenante, faite de mille petites surprises architecturales et paysagères. Boston respire grâce à ses grands parcs urbains dans lesquels les hockeyeurs se retrouvent pour jouer sur les petits lacs gelés en hiver. Boston laisse s'exprimer la courbe dans ses vieux quartiers, avec ruelles pavées, vieilles briques et chaleureux reverbères. Boston c'est aussi du relief avec de gentilles collines au coeur de la ville, ce qui rend les différents points de vue toujours plus vibrants. Et puis Boston est un port, entre l'océan et le fleuve, l'eau n'est jamais bien loin, le vent glacé non plus d'ailleurs. Quand on s'éloigne un tout petit peu du centre-ville les maisons de style New-England en bois coloré sont ravissantes et m'ont fait imaginer la maison de mes rêves (qui serait comme celles-ci mais pas chère et déplaçable, oui un peu comme dans Là-Haut). Ce qu'il y de délicieux pour l'oeil aussi, c'est la manière dont les gratte-ciel aux façades brillantes flirtent avec les petites églises vieilles de plusieurs siècles (les strictes lois de préservation du patrimoine ne nous permettraient jamais cette petite folie en France), les cimetières historiques et autres édifices hérités de l'époque des colonies britanniques et de la Révolution américaine.


Car en effet, les briques de Boston ont plus de choses à raconter que celles d'Oklahoma. Boston fait partie de ces villes de la côte Est américaine qui ont été les premières colonisées par les britanniques au XVIIème siècle (souvenez-vous, Thanksgiving et tout le tralala!). Et Boston a été le berceau des révoltes contre le pouvoir britannique et pour l'indépendance, qui ont mené ensuite jusqu'à la création des premiers Etats-Unis en 1776 puis à la Constitution en 1787 et à la nomination de George Washingtion comme premier président des Etats-Unis en 1789. C'est aussi dans un des ports de Boston qu'à eu lieu, en 1773, l'épisode connu (pour ceux qui comme moi se le sont mangés en cours d'anglais) du Boston Tea Party qui ne fut pas une grosse teuf arrosée de thé vert comme son nom pourrait le laisser penser, mais qui fut une importante révolte politique contre le parlement britannique. A l'origine de cette révolte: la contestaion de la taxation sur le thé par la Grande Bretagne dans ses treize colonies britanniques alors même que ces dernières n'étaient pas représentées au Parlement brittanique. Cette année 1773, six navires chargés de thé arrivèrent dans les ports de New-York, Philadelphia, Charleston et Boston depuis l'Angleterre. Les colons empêchèrent les cargaisons d'être débarquées et les bateaux durent repartir vers l'Angleterre comme ils étaient venus, et ce n'était pas un petit voyage croyez-moi! Cependant les trois navires ancrés à Boston sont restés au port, le gouverneur Thomas Hutchison ayant obligé le déchargement de leur cargaison. Mais le 16 décembre de cette même année, une soixantaine de Fils de la Liberté (les colons combattants en faveur de l'Indépendance) grimpèrent à bords des trois navires, ouvrirent les tonneaux et jetèrent 342 caisses de thé par dessus bord. Il y a donc plein de choses à apprendre sur l'histoire des Etats-Unis à Boston, et le fameux "Freedom Trail" est d'ailleurs un agréable parcours touristique à suivre pour découvrir les différents lieux et édifices qui ont marqué ces temps fondateurs. Et pour l'anecdote, le métro de Boston est aussi le premier a avoir été construit aux Etats-Unis (Oklahoma City n'en a toujours pas! Haha! Et n'en aura sans doute jamais d'ailleurs). Bref, Boston a aussi quelque-chose des villes européennes dans lesquelles il est facile de se déplacer à pied et en transport en commun, ce qui m'a fait me sentir presque de retour en Europe, et cela jusque dans la façon dont les gens parlent ou dans les tenues vestimentaires et choix capillaires. A Boston il y a aussi plein de petits quartiers très différents par leurs architectures, on ne perd jamais son temps à se perdre dans la ville et il y a aussi beaucoup de très beaux musées, ce qui est plutôt pratique quand la nuit tombe à 17h et qu'il fait un froid de canard.


Mais mon expérience de Boston a aussi été une expérience de la solitude. J'ai réalisé que ça faisait longtemps que je ne m'étais pas retrouvée en tête à tête avec moi-même. Si ça fait du bien à certaines personnes pour se recentrer sur elles-mêmes et bien moi ça me décentre complètement et fait naître des conflits intérieurs du type: "ai-je assez faim pour aller manger maintenant ou devrais-je attendre?" "devrais-je rester au chaud à l'hôtel ce matin étant donné qu'il neige, mais au risque de rater quelque-chose à l'extérieur ?", "devrais-je prendre cette petite ruelle par là ou continuer par ici?"... Quand je suis en présence d'une ou plusieurs personnes cela cadre mon indécision chronique et je n'ai plus l'impression systématique de peut-être faire le mauvais choix. Et cela s'explique je crois car pour moi, tout a plus de sens à partir du moment où je partage un moment avec quelqu'un, même s'il ne s'agit que d'un trajet de métro. J'aime la tranquilité, mais la solitude prolongée me bouffe. J'ai l'impression de m'entendre penser ce qui est aussi désagréable que d'écouter quelqu'un qui s'écoute parler. Et j'ai l'impression d'être "moi", prisionnière de mon esprit, contre tous les autres qui m'entourent et font leur vie, alors que quand je ne suis pas seule j'ai l'impression d'être "nous", échangeant une connexion parmi les autres qui nous entourent et partagent un instant de leur vie dans cet espace-temps offert au hasard. Alors pour me sentir moins volatile et "de passage", j'ai créé une toute petite routine rassurante qui vous fait vous apprivoiser le quartier ou vous habitez même si ce n'est que pour 10 jours, les joueurs de musique des mêmes stations de métro, les hockeyeurs sur le lac gelé du Boston Common, les scouts girls qui vendent de délicieux cookies au coin des rues ou encore le marchand de tabac d'Harvard Square qui vous arnaque sur le prix des timbres. Cette création d'un quotidien a rendu l'expérience de la ville plus personnelle et moins digne d'une course touristique. Et ainsi le temps a semblé s'allonger un peu aussi. J'ai même finalement réussi à faire des choix et à trainer quelques matins trop frais à l'hôtel sans culpabiliser, afin de préparer mes cours de français pour la rentrée.


J'ai aussi tenu à aller au rassemblement "Je suis Charlie" organisé par le Consulat français de Boston. Après toutes les raisons premières qui m'ont poussée à y aller il y avait aussi l'idée que j'allais peut-être rencontrer des gens et pouvoir échanger avec eux. Ce matin du dimanche 11 janvier, Nicholas commençant les cours un petit peu plus tard je l'ai accompagné à son université puis ai repris le métro pour rejoindre le rassemblement. Sur le quai du métro des gens parlaient français, et plusieurs familles avec de jeunes enfants arrivaient peu à peu et venaient tous se claquer la bise sur le quai. Je me suis dit qu'ils devaient sans doute se connaitre via de potentielles activités organisées au sein de la communauté francophone de Boston. Quand nous sommes finalement montés à bord du métro j'ai tenté un rapprochement en m'adressant à une des mamans : "Bonjour, vous aussi vous allez au rassemblement ?", ce a quoi elle a répondu avec un sourire "Oui." puis s'est retournée à 180 degrés pour retourner parler avec les gens de "sa communauté" sans tenter d'allonger la discussion avec moi... Mon envie de rencontre s'est un peu ramolie et comme souvent quand je suis à l'étranger, je me suis trouvée agacée d'entendre parler français autour de moi. J'ai donc décidé, un peu chifonnée, de continuer ma route vers le rassemblement seule, avec ma fidèle solitude. La minute de silence était poignante et le grand nombre de participants faisait "plaisir à voir". Et lorsque j'ai raconté mon épisode du métro à Nicholas le soir même, il a d'abord été désolé pour moi puis s'est mit à rire de moi en me disant "tu vois, tu as eu une expérience de rencontre à la française!"...


Et pour ne pas sombrer dans une solitude trop noire à la fin de mes journées, je décidais de rejoindre Nicholas en fin d'après-midi à son école pour assister aux présentations/conférences ouvertes au public. Ce fut l'occasion de visiter les locaux de son école, plutôt atypiques puisque situés au coeur d'un centre commercial: magasins au rez-de-chaussée, cantine au sous-sol et salles de classe et amphithéâtres à l'étage. Ce fut aussi l'occasion de rencontrer son enseignant référent (on tape facilement la tchatche aux profs ici j'ai l'impression) et ses camarades. Aussi court fut le temps passé avec elles, je me suis vraiment bien entendu avec deux de ses amies et à la fin du séjour, je me suis sentie plus proche d'elles que de certains amis ici en Oklahoma. Je pense que lors de ces résidences tout le monde est dans une dynamique de découvertes et rencontres intenses, un peu comme en colonie de vacances où les gens sont systématiquement ensemble, partagent beaucoup de leur intimité et sont stimulés par toutes sortes d'activités de groupe. J'étais contente d'avoir pu rapidement goûter à cela, comme une petite souris. L'une des présentations a été tenue par un certain historien de l'art Thierry de Duve, enseignant émérite de l'Université Lille 3... comme le monde est petit ! Sa présentation portait sur l'invention du Non-Art et plus spécifiquement sur Marcel Duchamp. C'était fort intéressant et son anglais avec accent français était parfait pour ma compréhension! A la fin de sa présentation, Nicholas a fait ce que je n'ai jamais su faire de toute ma vie d'étudiante: demander le micro pour poser une question. Bon en fait ce n'était pas vraiment une question. Il voulait simplement partager sa difficulté face à la subjectivité de l'art, enfin plutôt face au fait que des institutions, des personnes puissantes dictent ce qui est art ou ne l'est pas. Il expliqua qu'il avait remarqué que quand il reçoit des critiques sur son travail, bien qu'elles soient souvent constructives, elles ne portent finalement pas vraiment sur son oeuvre mais elles sont davantage le reflet de la subjectivité et des goûts personnels de celui qui la donne. Et dans l'histoire de l'art, ce qui a été prétendu être art l'a été car des institutions reconnues, des jurys, des individus puissants sur le marché en ont plus ou moins décidé ainsi. Nicholas se demandait donc comment son expression artistique pouvait trouver sa place là-dedans. Ca peut paraitre banal ou très courant comme réflexion mais je crois que c'est la plus grande difficulté du milieu, et la chose sur laquelle on se ment le plus à mon avis. En tout cas, notre cher Thierry a répondu a cela en lui conseillant de continuer de travailler sa pratique artistique comme on continuerait de goûter des vins pour apprendre à reconnaitre un bon vin d'un mauvais, ce qui n'a pas satisfait Nicholas pour un sou. J'étais heureuse (et fière) qu'il ai posé cette question et je suis encore tombée amoureuse comme une ado. Plusieurs étudiants l'ont remercié d'avoir osé ouvrir cette discussion, car je suis certaine que cela les ronge tout autant. Et un peu pour l'anecdote mais pas seulement, je voulais partager autre chose qui m'a un peu choqué: un soir, Nicholas me racontait que lors d'une séance de critique routinière dans le cadre de son programme, un homme dont le métier est principalement critique d'art lui a dit : "Je comprends le descriptif de ton travail et je trouve les idées que tu veux traiter très intéressantes mais il me semble qu'aujourd'hui le médium peinture ne peut plus exprimer cela". Wahou, ne serait-ce pas comme dire à un poète que la poésie est so has been et qu'il ferait mieux de se mettre au slam pour être dans le vent ? Il me semble qu'il y a comme un décallage. Quand certains, anonymes parlent d'exprimer leur sensibilité et leurs idées sur le monde en profondeur à travers un médium qui les anime, d'autres, internationalement reconnus, parlent de l'art comme d'un effet de mode en surface. Mais j'en reparlerai...


En tout cas, et avant de vous endormir complètement, ce qui a rendu l'aventure bostonienne encore plus belle c'est assurément la venue de Lise. On s'était dit, comme ça, que ma présence à Boston serait une bonne occasion de se retrouver presque à mi-chemin, mais sur un continent si grand, avec des emplois du temps serrés et des budgets de jeunes diplômés il est parfois compliqué de concrétiser ces rêves de retrouvailles. Et pourtant Lise est montée dans un bus à Montréal, là où elle mène sa petite vie épanouie, et après 8 bonnes heures de trajet et la confiscation de ses oranges par les autorités américaines à la frontière, nous nous sommes finalement retrouvées à Boston pour trois jours. C'était un double plaisir pour moi de laisser tomber ma fidèle solitude et de partager un temps privilégié avec ma bonne vieille pote du master de Lille. Ainsi nous avons découvert la ville en partant toutes les deux de zéro, même si j'étais là déjà depuis plusieurs jours, ainsi il n'y avait pas cet inconfortable décalage (souvenez vous, mon épisode de Strangers in Oklahoma...). La ville est tout de suite devenue plus belle, plus intéressante et plus fun à ses côtés ! Et il nous en a fallu des chocolats chauds et verres de Guinness pour nous raconter nos vies, nos expériences de petites françaises à l'étranger et bien sûr pour refaire un peu le monde. J'étais contente aussi que l'on puisse partager notre dernière soirée avec Nicholas et ses potes lors de la réception et exposition des étudiants sortants (étudiants tout juste diplomés du MFA). C'était aussi l'occasion pour nous de faire le plein de vin rouge et fromages gratuits.


Tout cela pour dire que le départ était un petit peu difficile. Rien à voir avec mon retour de New-York, où j'étais plutôt contente de rentrée "à la maison". Cette fois-ci Boston avait plutôt l'air d'être devenue ma maison, plus qu'Oklahoma. J'ai revu Oklahoma City comme je l'avais vu la première fois à mon arrivée, l'agressivité d'un consumériste exacerbé dans ces avenues bordées de fastfoods et supermarchés m'est revenue en pleine face, alors que j'avais réussi à poser mon regard au delà de ça et à discerner de la beauté ailleurs. A Boston et dans les villes européennes ces chaines de restaurants et magasins existent aussi bien sûr, mais ils sont camouflés au rez-de-chaussée d'élégants immeubles, et le regard peut s'adonner à la contemplation d'une jolie ruelle, d'un vieux bâtiment, d'un parc urbain etc... Oklahoma City a des endroits jolis aussi mais une fois sorti des neighborhoods ou du centre ville il a ces longues avenues qui vous laissent penser que vous ne vivez que pour consommer, sans d'autres alternatives pour le regard. Il a fallu aussi que je me réadapte à la température du sud, et notamment au 20degrés qui m'attendaient à Oklahoma City alors que j'avais quitté Boston par -5. En somme Boston est une ville vraiment ravissante sur beaucoup de plans et qui me correspond plutôt bien (vive les transports en commun et les gens qui marchent dans les rues!). Mais j'étais aussi heureuse de reprendre le chemin de mon stage, de commencer mes cours de français et de reprendre mon train-train quotidien dans l'exotisme et l'authenticité du sud des Etats-Unis.



Musique: "Dans la ville" - Pauline Croze. Ce n'est, de loin, pas le titre que je préfère de son

dernier album mais je trouve qu'il colle plutôt bien à ces expériences de "relations urbaines".

Photo: The Old State House au milieu des buildings, et bien plus dans la rubrique PHOTOS.

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